
Muttin, blessé dans le transformateur EDF de Clichy-sous-Bois, a été entendu par la justice.
(...) Muttin Altun a expliqué hier pour la première fois au juge d’instruction de Bobigny, Olivier Géron, les circonstances du drame de Clichy-sous-Bois. Muttin a pu préciser, voire rectifier, la déposition consignée par la police, durant quatre heures, le lendemain du drame, alors qu’il se trouvait en soins intensifs. Dans ce procès-verbal, Muttin signalait que Bouna lui avait « dit de courir » à l’arrivée de la police et qu’il courait « parce que les autres couraient ».
En réalité, Muttin a vu lui aussi « deux policiers » aux trousses de Bouna, remontant le parc où ils avaient l’habitude de rester un peu après leurs matchs de foot. Et encore un autre portant « un flash-ball ». Il s’est retourné deux fois. Si les autorités ont cru pouvoir conclure à l’« absence de course-poursuite », Muttin la confirme. Quittant le parc, il traverse la rue pour entrer avec les autres dans un petit bois qui sert de décharge. Le mur d’enceinte du transformateur EDF n’est que trente mètres plus loin. Les policiers sont sur leurs talons. Me Jean-Pierre Mignard et Me Emmanuel Tordjman, les avocats de Muttin et des familles des victimes, ont tenté de reconstituer la présence policière sur les lieux.
« Les policiers tendent une souricière, a commenté hier matin Me Mignard. Les deux voies d’accès ont été tenues alternativement par les policiers. » Mais c’est l’équipe présente dans le cimetière qui annonce, par radio, que « les deux individus sont localisés et sont en train d’enjamber pour aller sur le site EDF ». Un policier commente par radio qu’il ne « donne pas cher de leur peau ».
Muttin, Bouna et Zyed se cachent dans le transformateur. « Ils sont persuadés que la police reste longtemps, explique Me Mignard. Ils n’ont pas leurs papiers. Leur préoccupation, y compris lorsqu’ils se trouvent dans le transformateur, est de rentrer chez eux pour ne pas manquer l’heure de la rupture du jeûne. » Muttin et ses amis entendent les sirènes des voitures de police. L’aboiement d’un chien. Zyed s’inquiète particulièrement. Des trois, il est le seul à avoir eu « un incident avec la police », sans suite judiciaire. Son père a demandé une « mesure éducative ». « Si je vais au poste, mon père me renvoie en Tunisie », aurait-il murmuré avant le drame. Karl LASKE, Libération, 11/11/05.